L’IA générative, une opportunité pour transformer les villes


Les récents progrès des IA génératives comme ChatGPT, DALL-E ou Midjourney sont spectaculaires. Ces IA ouvrent de nouvelles perspectives passionnantes pour les villes et les territoires. Le Think tank Urban AI a rédigé un rapport avec le soutien de la Métropole du Grand Paris. Ce rapport explore en profondeur comment cette technologie de rupture pourrait être utilisée de manière positive par les municipalités. L’IA générative pourrait en effet aider à améliorer les services publics et à repenser l’aménagement urbain.

Vers un service public augmenté grâce à l’IA

L’IA générative a le potentiel d’agir comme un véritable “assistant augmenté” pour épauler les agents publics dans une multitude de tâches quotidiennes chronophages. Cela peut s’appliquer à la rédaction de documents administratifs, de synthèses d’informations complexes ou de réponses aux questions récurrentes des citoyens…
Par exemple, la startup française DELIBIA a développé un agent conversationnel. Celui-ci est capable d’aider les élus et fonctionnaires territoriaux à accéder plus rapidement à des décisions publiques (délibérations, cahiers des charges, rapports). Cet assistant IA peut aussi synthétiser et extraire des informations ciblées dans de larges corpus documentaires.
Au-delà de ces gains de productivité, l’IA générative permettrait surtout d’analyser très rapidement d’immenses volumes de données urbaines non structurées (images, vidéos, textes…). Ainsi, on pourrait mieux comprendre en temps réel ce qui se passe dans la ville. C’est ce qu’Ariel Noyman, chercheur au MIT Media Lab, appelle la “ville temps réel”.
En France, la startup Upciti a par exemple développé “Jeeves”, un agent conversationnel. Ce dernier fournit des données issues de capteurs urbains à partir de requêtes en langage naturel. Couplé à d’autres sources (météo, qualité de l’air, trafic…), ce type d’outil préfigure de nouvelles interactions homme-machine pour accéder plus intuitivement à la donnée urbaine.

L’IA générative pour repenser l’aménagement du territoire

Mais c’est surtout dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement que l’IA générative suscite le plus d’attentes. Les urbanistes et architectes pourraient s’en servir pour générer rapidement des visualisations et des scénarios d’aménagement en fonction de multiples paramètres : règles d’urbanisme, géographie, démographie, opinions des habitants…
La startup finlandaise UrbanistAI utilise ainsi l’IA générative pour créer des rendus photoréalistes de rues, bâtiments ou quartiers à partir de simples descriptions textuelles. Couplée à des consultations citoyennes, cette approche facilite un urbanisme plus participatif et inclusif. Il est alors possible à chacun de “voir” et débattre de projets urbains alternatifs.
L’IA générative pourrait aussi aider les villes à mieux anticiper et visualiser l’impact d’événements climatiques extrêmes sur leur territoire. Des chercheurs du Mila au Québec ont par exemple utilisé des GAN pour “inonder” virtuellement des photos de villes. L’objectif de cette démarche est de sensibiliser ainsi les décideurs et citoyens aux effets concrets du changement climatique.
En France, l’association Raw a mené un travail similaire en Camargue, en partenariat avec l’UNESCO et le Parc Naturel Régional. Ces images frappantes d’un territoire sous les eaux ont servi de support à des ateliers citoyens pour imaginer des stratégies d’adaptation.

Orchestrer une IA générative publique et responsable

L’IA générative indubitablement offre des opportunités prometteuses pour les villes. Cependant, son déploiement responsable nécessitera un pilotage attentif par la puissance publique, en lien étroit avec le secteur privé, les chercheurs et la société civile.
Les villes devront mettre en place des phases de tests et d’expérimentations pour dérisquer progressivement ces technologies émergentes. Des “bacs à sable” réglementaires pourront être utiles pour tester des cas d’usage dans un cadre sécurisé. C’est ce que suggère Shazade Jameson, consultante en IA urbaines.
Surtout, des cadres de gouvernance robustes et des réglementations locales seront indispensables. C’est une condition nécessaire pour garantir un usage éthique et maîtrisé de l’IA générative par les villes. Transparence des algorithmes, gestion des biais, protection de la vie privée, sobriété énergétique… Autant d’enjeux cruciaux à traiter en amont.
Comme le souligne Geoffroy Boulard, Vice-Président de la Métropole du Grand Paris, les villes devront endosser un rôle de “coordinateur” et de “régulateur”. Cela est nécessaire pour s’assurer que l’innovation réponde aux besoins locaux, respecte l’éthique et protège les données des citoyens.
Cela passera notamment par des délibérations publiques pour co-construire un cadre de confiance autour de l’IA urbaine. La convention citoyenne sur l’IA initiée par la Métropole de Montpellier montre la voie. De même, le Forum de la Donnée organisé par la ville de Noisy-le-Grand préfigure ce dialogue essentiel entre élus, experts et citoyens.

Des risques à anticiper

Malgré ces précautions, plusieurs risques devront être anticipés et surveillés dans la durée :

  • Risques techniques : les IA génératives peuvent produire des erreurs factuelles (“hallucinations”), incorporer des biais ou manquer de reproductibilité. Un défi pour la prise de décision publique.
  • Enjeux éthiques : l’entraînement des IA sur des données publiques soulève des questions de transparence, de biais et de respect de la vie privée. Sans compter leur impact environnemental significatif.
  • Instrumentalisation politique : comme toute technologie, l’IA générative pourrait être détournée à des fins de manipulation de l’opinion, de désinformation voire de surveillance abusive.

En conclusion, l’IA générative dessine un futur stimulant pour améliorer la fabrique de la ville. Mais son déploiement par la puissance publique nécessitera une vigilance de chaque instant. Car derrière l’IA, c’est bien un choix de société et un modèle de ville qui se joue. Aux élus et citoyens de s’en emparer !

Source : UrbanAI